Offensive contre « l’ennemi intérieur et extérieur » en Grèce

L’évolution du pouvoir en Grèce est inquiétante. Avec l’interdiction du parti nazi Aube dorée, la menace fasciste se recompose mais demeure, tant au Parlement que dans la rue. Ce qui est mis en œuvre pour traquer et enfermer les exilés est révélateur d’une politique de plus en plus sécuritaire. Comme dans d’autres pays, on assiste à une normalisation croissante d’un « état d’exception ».

Article initialement publié dans la revue Études et sur le blog A Contre-Courant

Après une décennie d’austérité en Grèce, le parti au pouvoir s’extrême-droitise et continue d’appliquer les mêmes recettes néolibérales (1). L’élection de Nouvelle Démocratie (ND), en juillet 2019, a marqué une intensification des violences d’État sans précédent depuis la chute de la dictature des Colonels (1967-1974). Les premières cibles du pouvoir sont les populations exilées et les militants solidaires, radicaux (2) (notamment anarchistes), désignés comme des « ennemis de l’intérieur et de l’extérieur ».

La Grèce contemporaine peut à la fois être appréhendée comme un laboratoire du capitalisme du désastre (3) et des solidarités (4) ‒ qui se manifestent notamment à travers les squats, les dispensaires de santé et les cuisines autogérés. Christiane Vollaire et Philippe Bazin (5) ont mis en lumière la force et la diversité de ces initiatives populaires en Grèce. En outre, leur ouvrage rappelle la prégnance des idéologies fascistes avec le régime du 4-Août du général Ioánnis Metaxás (1936- 1941) et celui des Colonels (1967-1974). « Cette tradition-là continue d’irriguer les sphères du pouvoir, le parti de droite dure, actuellement au pouvoir, en est largement influencé et infiltré », souligne la philosophe Christiane Vollaire. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer l’évolution du champ partisan grec, ces dernières années.

Un laboratoire du néolibéralisme, de l’extrême droite et du fascisme

L’organisation nazie Aube dorée (6), troisième force politique du pays entre 2015 et 2019, a commis des pogroms et semé la terreur dans les rues avec ses bataillons paramilitaires. Elle a été jusqu’à assassiner, en 2013, le travailleur pakistanais Shahzad Lukman et le rappeur antifasciste Pávlos Fýssas. À la Vouli (le Parlement grec), Aube dorée a appelé de façon répétée au coup d’État. Alors qu’Aube dorée a été reconnue en octobre 2020 comme « une organisation criminelle » par la justice grecque, plusieurs de ses anciens dirigeants et membres sont actuellement en prison. Pourtant, une partie de son agenda politique continue de se diffuser au sommet de l’État et au sein de Solution grecque, un parti xénophobe et conspirationniste qui possède dix sièges au Parlement hellénique. Son fondateur, Kyriákos Velópoulos, reprend à son compte la rhétorique de Donald Trump et de Viktor Orbán, en utilisant le slogan « Make Europe christian again ». La parenthèse Syriza (2015-2019), qui incarnait avant son élection une autre politique de gauche, s’est refermée avec la poursuite des mesures d’austérité. Depuis, le rouleau compresseur des politiques néo- libérales s’accélère avec le gouvernement de Nouvelle Démocratie (ND), un parti qui s’extrême-droitise et qui a su capter une large part des anciens électeurs d’Aube dorée. Le parti au pouvoir compte dans ses rangs des transfuges du Laos (Laïkos Orthodoxos Synagermos, parti d’extrême droite orthodoxe), comme Ádonis Georgiádis, Makis Voridis et Thanos Plevris. Ce dernier a appelé, par le passé, à tirer à balles réelles sur les exilés et à rouvrir Auschwitz : il occupe aujourd’hui le poste de ministre de la Santé. Quant à Voridis, il était jusqu’en 1990 à la tête du mouvement de jeunesse nostalgique de la dictature des Colonels, affilié au parti Union politique nationale (Ethniki Politiki Enosis, EPEN) du meneur de la junte militaire, Geórgios Papadópoulos (1919-1999). Dans le gouvernement actuel, on retrouve aussi la vice-ministre de l’Immigration et de l’Asile responsable de « l’Intégration », Sofía Voúltepsi. Pour cette dernière, les exilés « sont des envahisseurs non armés, des armes dans les mains de la Turquie (7) ».

Le retour au pouvoir de ND, marqué par une très forte abstention (42 %), s’inscrit dans la reconquête d’une hégémonie culturelle (8) de la classe dominante, en l’occurrence d’une hégémonie néolibérale et éta- tique fragilisée lors de la dernière décennie en Grèce. Le sociologue Theodoros Karyotis parle d’un retour en force de la rhétorique du « There is no Alternative » (« Il n’y a pas d’autre solution »), rendue célèbre par Margaret Thatcher. Dès son élection, le gouvernement de Kyriákos Mitsotákis a immédiatement ciblé « la partie la plus radicale de la société qui, à travers le soulèvement de décembre 2008 et le Mouvement des places de 2011, avait fragilisé cette hégémonie », précise Karyotis. Toutes les voix dissidentes doivent ainsi être réprimées car considérées comme « dangereuses et délirantes ». Le chercheur basé à Thessalonique n’hésite pas à affirmer qu’il s’agit « d’un contexte de totalitarisme » qui passe par un « contrôle de l’information sans précédent depuis la dictature. Les autres opinions doivent désormais dis- paraître du débat public. Aujourd’hui, le Grec moyen dira que le plus grand problème auquel nous devons faire face, c’est l’anarchisme », souligne le sociologue, avec un sourire de dépit. Après l’effondrement de l’espoir institutionnel qu’incarnait Syriza pour la gauche, une opinion s’est encore davantage répandue dans la société : la seule option politique possible serait la voie autoritaire.

« Gérer les indésirables »

Dans ces circonstances, le parti du Premier ministre Kyriákos Mitsotákis a été élu en juillet 2019 sur un programme « Loi et ordre », associant un durcissement des politiques néolibérales et de la répression policière, en particulier dans la gestion des populations présentées comme « indésirables » ou « dangereuses ». Sur quel imaginaire politique et quels ressorts idéologiques s’appuient ces discours et ces politiques sécuritaires ?

L’idéologie sécuritaire régulièrement mobilisée par la classe dirigeante repose sur une représentation péjorative de la ville, systématiquement associée aux crimes, à l’incivilité, à l’insécurité et à l’image fantasmée d’une « vague migratoire ». La sociologie des risques urbains montre que de telles représentations témoignent de la pénétration d’un imaginaire raciste et xénophobe dans certains discours sur la ville ; d’une tendance à l’ethnicisation et à la pathologisation du « risque social ». C’est notamment à travers le capitalisme sécuritaire et le marché mondial de la coercition (9) que le capitalisme urbain se développe dans les métropoles. Cette idéologie sécuritaire est aussi une industrie qui repose sur l’image d’une « ville carte postale », parfaitement sûre, « rationalisée », propice aux flux financiers et à l’accumulation du capital. Cette industrie génère des profits grandissants et se nourrit de plusieurs peurs : celle de « l’étranger », de « l’immigré », du « jeune banlieusard », des « classes laborieuses, classes dangereuses » ou encore du « dangereux militant » (10).

Comme le montre bien le retour au pouvoir de ND en Grèce, cette idéologie sécuritaire est mobilisée à des fins électoralistes. Une rhétorique qui façonne des figures de « l’ennemi intérieur » et « extérieur », dont la désignation conduit à une définition elle-même sécuritaire des inégalités sociales. Pour Philippe Mary, le discours dominant sur les émeutes urbaines, l’économie informelle, les délinquances sexuelles ou encore sur le terrorisme conduit à un nouveau modèle de « gestion des risques ». Ainsi, il ne s’agit pas tant d’agir sur les causes des inégalités sociales que de déterminer des groupes prétendus « à risque » et de renforcer leur contrôle par des dispositifs policiers « avec, comme conséquence, une batterie de nouveaux dispositifs et une approche différente de l’individu et de sa responsabilité (11) ». « L’insécurité » est donc à la fois des discours, des représentations et des outils politiques, techniques et institutionnels au service d’une idéologie sécuritaire. En ce sens, « l’insécurité » est moins un problème ou une réalité qu’une « solution » pour reprendre les termes de Luc Van Campenhoudt (12) : c’est une façon de gérer la « violence urbaine ». Et, de ce point de vue, l’État possède un certain monopole de la parole légitime en matière de discours sur les « risques ».

Technologies pour traquer et enfermer les exilés

Concrètement, en Grèce, l’idéologie sécuritaire se traduit par l’instauration de politiques toujours plus hostiles aux exilés. Le Premier ministre se félicite d’ailleurs « d’avoir réduit les flux migratoires de 80 % en 2020, grâce au soutien de l’agence Frontex (13) ». Dès les premiers mois de son mandat, la majorité parlementaire a ainsi supprimé l’aide médicale universelle gratuite pour les personnes non assurées (dans les faits, le manque de moyens humains et matériels dans les hôpitaux publics rendait souvent inapplicable ce droit fondamental). Suivant la nouvelle circulaire, le numéro de Sécurité sociale est désactivé quand le demandeur est interdit de territoire sur le sol grec. Ainsi, seule une minorité d’exilés ayant obtenu le statut de « réfugiés » en Grèce peut espérer se faire soigner gratuitement dans le système public.

La construction de ce qui s’apparente à des camps de concentration (14) sur cinq îles grecques de la mer Égée illustre aussi cette politique de mise à l’écart, d’enfermement, de contrôle, de criminalisation et d’invisibilisation des exilés. Le premier « camp nouvelle génération » financé par l’Union européenne (UE) a été inauguré sur l’île de Samos : il est équipé de barbelés, de miradors, de caméras de vidéo- surveillance, de scanners à rayons X et de portes magnétiques. Cette politique d’enfermement et de tri des exilés menée par les autorités grecques reçoit le soutien indéfectible de l’État français. Lors de sa visite sur l’île en octobre 2021, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a loué le « modèle grec » : « Si tous les pays travaillaient comme la Grèce pour le contrôle des frontières extérieures, alors la question migratoire serait moins prégnante en Europe (15). » Invité à se prononcer sur la « gestion et le contrôle des flux migratoires » au sein de l’espace Schengen sur ERT (Ellinikí Radiofonía Tileórasi, télévision publique grecque), Emmanuel Macron a lui-même repris à son compte la distinction entre réfugiés et migrants, révélatrice d’un agenda politique sécuritaire des migrations (16).

Il s’agit de prendre la mesure de la violence de ces politiques d’épuisement et d’asphyxie de « l’Europe forteresse » qui rendent la vie impossible aux exilés. En plus d’atteindre aux libertés et à la dignité humaine, cette politique isole les exilés des réseaux de solidarité informelle. Or, en dehors des visites officielles, des observateurs indépendants (journalistes, militants, chercheurs, humanitaires) pourront-ils encore dénoncer les conditions de survie des populations « hébergées » ? Un décret publié au Journal officiel, à la fin de 2020, annonce la couleur. Il menace directement les organisations non gouvernementales de poursuites judiciaires, et empêche « toutes les personnes » (salariées et bénévoles) qui travaillent dans les camps de réfugiés de révéler la moindre « information, document ou donnée » sur leurs résidents. Cette clause de confidentialité demeure valable même à la fin de leur période de travail ou de volontariat. En verrouillant ainsi le droit d’informer, le gouvernement grec semble avoir pris acte de la mauvaise publicité de Mória, « le camp de la honte » de Lesbos.


La militarisation des frontières est particulièrement révélatrice des politiques sécuritaires, surtout aux abords de l’Évros à la frontière gréco-turque, où un mur de quarante kilomètres a été construit en 2020. Le long de ce fleuve, drones, capteurs thermiques et canons sonores sont utilisés pour pourchasser les exilés. Des centaines de militaires sont déployés sur cette zone sous contrôle exclusif de l’armée, bien que « des exilés continuent toutefois de traverser cette fron- tière greco-turque, ils ne reçoivent l’aide d’aucune ONG, d’aucun habitant, interdits dans la zone (17) ». La Grèce est, en effet, devenue un terrain de jeu technologique des entreprises spécialisées dans l’indus- trie sécuritaire. De nombreuses expérimentations de la police grecque sont en cours, avec le soutien de l’agence européenne Frontex, toutes les deux impliquées dans les « refoulements illégaux » à l’extérieur de l’Union européenne (18). La société française Cnim Air Space développe par exemple un modèle de ballon captif Eagle Owl, gonflé à l’hélium, capable de voler jusqu’à six cents mètres de haut. Actuellement utilisé par les autorités grecques et Frontex, il renvoie en continu des images vers une station positionnée au sol, prises avec sa caméra embarquée. Mais ce n’est pas la seule technologie répressive expérimentée contre les exilés en Grèce : le Roborder (contraction de robot et de border, « frontière » en anglais) prévoit pour sa part « un système de surveillance des frontières par un essaim de drones autonomes, capables par l’intelligence artificielle de déterminer les franchissements. Le projet iBorderCtrl ambitionne quant à lui de développer un algorithme capable de détecter les mensonges des migrants lors de leur passage à l’aéroport (19) ». C’est dans un tel contexte que le ministère de l’Immigration et de l’Asile grec a coorganisé, en octobre 2021, le Congrès international de la sécurité des frontières (20), à Athènes. Cet événement a réuni de potentiels clients, tels que des États, et les vendeurs de technologies sécuritaires, des industriels spécialisés dans la « gestion des frontières et de la sécurité ».

Répression inédite des militants radicaux

En tant que militant solidaire d’un squat, j’ai pu constater les profonds effets de la vague de répression d’État menée à la fois contre les exilés, les universités (21) et les militants radicaux, depuis août 2019. Ainsi, le gouvernement grec procède à une militarisation de la police, à des investissements dans du matériel de surveillance et au recrute- ment de milliers de policiers. Il convient de citer ici les opérations « scoupa » (littéralement, opérations « coup de balai ») qui se réfèrent à l’expulsion, à l’enfermement, au contrôle au faciès et au harcèlement policier des personnes considérées « en situation irrégulière » par l’État grec. Le jour de l’expulsion de plusieurs bâtiments occupés par des exilés et des militants solidaires à Athènes (22), Stavros Balaskas, responsable d’un syndicat policier, a comparé les réfugiés à de la « poussière » et les militants anarchistes à des « détritus » (23). Ce champ lexical du « nettoyage » rappelle les heures les plus sombres du fascisme et montre le visage de la terreur d’État.

Stavros Balaskas, responsable d’un syndicat policier, a comparé les réfugiés à de la « poussière » et les militants anarchistes à des « détritus ».

Avant même son élection, Kyriákos Mitsotákis avait promis de « nettoyer Exárcheia en un mois (24) ». Exárcheia, où s’est focalisée mon étude sociologique, est un quartier du centre-ville athénien réputé pour la présence de nombreux squats et collectifs anarchistes. Depuis 2019, il a été régulièrement occupé par une police militarisée. La répression d’État contre les militants radicaux a été particulièrement violente à la fin de 2020, notamment durant la période annuelle de mobilisation politique pour le 17-Novembre, en référence à la date du soulèvement étudiant à l’Université polytechnique, en 1973, durant la junte militaire. Cette mobilisation a été marquée par une interdiction de manifester arbitraire et des violences policières sans précédent depuis la chute de la dictature des Colonels, en 1974. En outre, le 6 décembre 2020, douze ans après le meurtre par un policier de l’adolescent Alexis Grigoropoulos (25) à Exárcheia, le quartier était occupé par des centaines de policiers (au moins 4 000 policiers à Athènes) et notamment par les services antiterroristes. Dans la seule ville Athènes, 374 personnes (dont des avocats, des syndicalistes, des travailleurs de la santé, des étudiants ou des habitants d’Exárcheia) ont été arrêtées. Ce jour-là, chose exceptionnelle pour un ressortissant de l’espace Schengen, un Français actif dans les luttes en Grèce a été enlevé par la police, emprisonné et expulsé vers la France – avec interdiction de territoire jusqu’en décembre 2027 pour atteinte « à la sûreté nationale et politique » et « danger pour la santé publique » – simplement « parce qu’il était anarchiste (26) ». Au début de mars 2021, la situation du prisonnier communiste Dimitris Koufontinas (27) et des violences policières quotidiennes, répertoriées dans de nombreux quartiers athéniens et dans plusieurs villes grecques, ont provoqué des manifestations importantes et des émeutes. Plusieurs témoignages de manifestants arrêtés font état de tortures au Siège de la police hellénique de l’Attique (28).

La période que traverse la Grèce confirme que les violences d’État ne concernent plus seulement les exilés et les militants radicaux, mais un spectre de plus en plus large de la population. Car c’est bien d’un contexte de normalisation de « l’état d’exception », de l’agenda d’extrême droite et d’un fascisme rampant dont il est question. La journaliste néerlandaise Ingeborg Beugel est bien placée pour en témoigner. Après avoir mis le Premier ministre Mitsotákis face à ses mensonges sur les « refoulements illégaux » d’exilés en mer Égée, elle a été victime en novembre 2021 d’un déferlement de haine en ligne et dans les médias acquis à la cause du gouvernement grec. Quelques jours plus tard, dans la rue, un homme lui a jeté une pierre à la tête en l’insultant de « pute et espionne turque ». Dans la foulée, la journaliste a été contrainte de fuir la Grèce, où elle vit depuis quarante ans, pour se réfugier aux Pays-Bas. Arrêtée en juin 2021 en Grèce, elle est aussi accusée « d’avoir accueilli illégalement » un demandeur d’asile afghan chez elle, ce qui est passible d’une peine de douze mois de prison et d’une amende de 5 000 euros. Illustration que cette offensive contre un « ennemi intérieur » et un « ennemi extérieur » constitue en réalité deux composantes d’une même idéologie répressive. Une guerre d’usure menée simultanément contre les exilés, les militants solidaires et tout observateur indépendant un peu trop critique envers le pou- voir en place.

Nicolas RICHEN


SOURCES

1. Toute réflexion étant le fruit d’un effort collectif, je remercie ici tous mes interlocuteurs cités ou non dans cet article : galériens, travailleurs, militants, exilés, chercheurs (en particulier le géographe urbain Jean-François Pérouse), journalistes, photographes, cinéastes…

2. Contrairement aux usages médiatiques dominants et de sens commun, la « radicalité militante » est employée dans cet article pour désigner un engagement collectif contre l’ordre établi (notam- ment capitaliste et étatique) qui comprend à la fois une critique structurelle (radicalis signifiant « ra- cine »), une autre voie proposée face au statu quo (dimension hétérodoxique). En ce sens, le militant radical ou subversif s’oppose au militant réformiste. Les répertoires de l’action collective (Charles Tilly, La France conteste de 1600 à nos jours, Fayard, 1986) ne délimitent pas a priori ce qui relève de la radicalité militante, bien que celle-ci puisse englober des pratiques politiques qui sortent du cadre légal (manifestation non déclarée, sabotage, destruction matérielle, squat, etc.).

3. Naomi Klein, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, traduit par Paul Gagné et Lori Saint-Martin, Actes Sud, 2008.

4. En Grèce, le terme « solidarité » (αλληλεγγύη, allilengýi) est historiquement mobilisé par les mou- vements anarchistes, anti-autoritaires et socialistes. Fortement liée à la notion de lutte des classes, la solidarité repose sur un idéal non hiérarchique, d’autogestion, de participation active, de relation de réciprocité et sur l’internationalisme.

5. Philippe Bazin et Christiane Vollaire, Un archipel des solidarités. Grèce 2017-2020, Éditions Loco, 2020.

6. Dimitris Psarras, Aube dorée. Le Livre noir du parti nazi grec, M éditeur et Syllepse, « Mauvais temps », 2014.

7. Le 31 janvier 2014 sur la chaîne de télévision privée Mega, Voúltepsi commentait ainsi le tragique naufrage près de l’île de Farmakonisi, où neuf enfants et trois femmes sont morts.

8. Notion théorisée par Antonio Gramsci (1891-1937), pour qui la lutte des classes doit inclure une dimension culturelle.

9 Mathieu Rigouste, La domination policière, une violence industrielle, La Fabrique, [2012] 2021.

10. Comme le montre Loïc Wacquant (« La tornade sécuritaire mondiale : néolibéralisme et châ- timent à l’aube du XXe siècle », Mouvements, vol.63, n° 3, 2010, pp.137-154), depuis la fin du XXe siècle, les grandes puissances impérialistes sont entrées dans une nouvelle phase de conquêtes tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de leurs frontières. Un nouveau stade du développement de l’impé- rialisme qui se caractérise principalement par l’émergence de marchés globalisés de la surveillance, de l’encadrement et de la répression (voir aussi : David Harvey, Le nouvel impérialisme, Les prairies ordinaires, 2010).

11. Philippe Mary, « Les figures du risque et de l’insécurité. L’impact sur le contrôle », Informations sociales, vol.126, n° 6, 2005, p.16.

12. Luc Van Campenhoudt, « L’insécurité est moins un problème qu’une solution », Revue de droit pénal et de criminologie, n° 6, 1999, pp.727-738.

13. « Mitsotakis blasts use of migrants as pawns to pressure the EU », Ekathimerini, 21 mai 2021 (en grec, sur www.efsyn.gr/politiki/273872_apelasan-gallo-politi-epeidi-einai-anarhikos).

14. Je reprends ici la formule du sociologue Jean Ziegler, qui a réalisé une mission pour l’Organi- sation des Nations unies sur l’île de Lesbos, qui considère que « nous créons de véritables camps de concentration avec des conditions totalement inhumaines ». Voir Camille Pagella, « Jean Ziegler : “Nous avons recréé des camps de concentration” », L’Illustré, 23 janvier 2021 (sur www.illustre.ch).

15. Marina Rafenberg, « Gérald Darmanin encense le “modèle grec” des camps ultrasécurisés », Le Monde, 11 octobre 2021 (sur www.lemonde.fr).

16. « Macron : nous ferons tout pour soutenir la Grèce », ERT, 24 mars 2021 (sur www.youtube.com/ watch?v=pvVEVrwM9Mc).

17. Charlotte Boitiaux, « La frontière de l’Évros, un no man’s land grec ultra-militarisé où “personne n’a accès aux migrants” », Infomigrants, 5 octobre 2021 (sur www.infomigrants.net/fr/).

18. Katy Fallon, « Revealed : EU border agency involved in hundreds of refugee pushbacks », The Guardian, 28 avril 2022 (sur www.theguardian.com).

19. Hugo Robert, « Contre les migrants, toujours plus de technologie », Reporterre, 25 octobre 2021 (sur https://reporterre.net).

20. https://world-border-congress.com/

21. Après avoir supprimé l’asile universitaire, héritage des années qui ont suivi la dictature, le gouvernement grec a décidé de mettre en place des unités policières spéciales sur les campus pour lutter « contre l’anarchisme ». Entre 1 000 et 1 500 policiers seront recrutés. D’après le Trésor public grec, le budget 2021 pour l’Enseignement supérieur s’élève à 92 millions d’euros. Le budget pour la police universitaire représente 20 millions d’euros, soit 22 % du budget total de l’enseignement supérieur.

22. Les services antiterroristes, les voltigeurs et la police secrète ont participé à l’expulsion de ces squats.

23. Passage télévisé en grec sur www.youtube.com/watch?v=W2HDaqb85NE

24. « Mistotakis on Alpha TV : I will cut taxes and clean up Exarchia (video) », Protothema, 10 janvier 2017 (sur https://en.protothema.gr/).

25. Dimitris Bounias et Nikolas Leontopoulos, « The Murder of Alexandros Grigoropoulos », The Press Project, 6 décembre 2014 (sur https://thepressproject.gr/).

26. Kostas Zafeiropoulos, « Ils ont expulsé un citoyen français parce qu’il était anarchiste ! », Η Εφημερίδα των Συντακτών, 21 décembre 2021 (en grec, sur www.efsyn.gr/politiki/273872_apela- san-gallo-politi-epeidi-einai-anarhikos).

27. « M. Koufontinas a été condamné en 2003 à onze peines d’emprisonnement à perpétuité pour participation à onze meurtres. Il est considéré comme le chef des opérations de l’organisation d’ins- piration marxiste-léniniste 17-Novembre ou 17-N, ayant commis des dizaines d’attentats et tué vingt- trois personnes entre 1975 et 2002. Parmi les cibles du groupe : des tortionnaires de la dictature des Colonels (1967-1974) toujours dans la nature après sa chute, le chef d’antenne de la Central Intelligence Agency (CIA) en Grèce – les États-Unis ayant soutenu la junte –, des responsables po- litiques ou hommes d’affaires turcs, grecs, etc.», dans Elisa Perrigueur, « En Grèce, juges, avocats, écrivains et militants au chevet d’un prisonnier d’extrême gauche en grève de la faim », Mediapart, 28 février 2021 (sur www.mediapart.fr).

28. Konstantinos Poulis et Thanos Kamilalis, « I confirm what the Greek Police is saying – no one called Dimitris was tortured. But I, Aris, was », The Press Project, 18 mars 2021 (sur https://the- pressproject.gr).

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